En janvier dernier, nous sommes revenu·es sur notre première colo à l’occasion d’une interview d’Hugo du podcast “Parlons Péda”. Rat-Fou a travaillé sur une retranscription de celui-ci – pour le rendre accessible au plus grand nombre. Si vous n’avez pas déjà consulté la première interview de Mélina par Hugo, retrouvez là en cliquant ici.
On vous souhaite une bonne lecture !
Sommaire
P.P : Bienvenue sur parlons péda. Aujourd’hui, j’invite Mélina et Thibaut. Tout deux ont organisé et dirigé les mêmes camps l’été dernier. D’ailleurs, j’avais invité Mélina lors d’un podcast pour parler de leur projet : toustes en colo. Nous avions parlé de ses intentions éducatives pour l’occasion de leur premier séjour. C’est pour ça que je trouvais intéressant de les inviter pour faire un retour d’expérience. Je voulais confronter leurs idées au réel, en gros, ce qu’y en gros changeait entre ce qu’ils avaient imaginé et ce qu’il s’est passé. Et ce qui est drôle, c’est que leurs difficultés d’organisation ne furent pas là où je m’attendait. Moi, je me suis dit à la base que sûrement, il y aurait des difficultés pédagogique, mais au contraire ce n’est pas là où ça a été le plus compliqué pour eux. Alors on a parlé vraiment de tout, en commençant par le pédagogique, mais aussi, on a parlé du budget, du matériel, de la relation aux responsables etc. Et tout cela m’a quand même permis d’avoir une vision globale des enjeux qui se jouent, qui se sont joués en tout cas durant leur séjour. Et j’espère que ça aussi ça t’aidera à mieux comprendre comment réaliser un séjour. Sur ce, bonne écoute !
P.P : Bonjour et bienvenue Mélina et Thibaut. Merci d’avoir accepté encore une fois l’invitation. Bon Mélina c’est la 2ème fois que tu reviens. Ça fait vraiment plaisir de te revoir. Alors tout d’abord, est-ce que vous pouvez rapidement présenter ce que c’est tous et toutes en colo, histoire que les personnes qui n’ont pas écouté le premier épisode sachent avec qui on est en train de discuter ?
Mélina : Yes. Je laisserais Thibaut se présenter derrière, mais on est tout deux les co-fondateur et co-fondatrice de l’association Toustes en Colo, qui, du coup est une association qui organise des séjours de vacances qui se veulent inclusifs et éco-responsables. On pourra en revenir plus en détails si tu le souhaites, mais l’idée, c’était justement de ne pas reproduire des choses qu’on avait pu voir dans la plupart des séjours de vacances, notamment en termes d’inclusion et d’écologie. Et du coup de construire des séjours qui sont plus proches de nos valeurs.
P.P : Effectivement, t’as bien raison, on ne va pas forcément rediscuter des valeurs de votre organisme parce qu’on l’a fait sur l’épisode d’avant. Donc si la personne qui nous écoute n’a pas écouté le premier épisode, je l’invite à écouter parce que c’était d’ailleurs très intéressant. Il y avait beaucoup de questions de… Justement, comme tu disais, de points qui étaient mis en place, en tout cas dans la volonté que vous aviez, certains points qui normalement sont rarement réfléchis en séjour et que là du coup vous avez réfléchi pour les mettre en place sur le séjour. Thibaut, je te laisse te présenter aussi ?
Thibaut : Oui, je suis l’autre co-fondateur de Toustes en Colo. On a travaillé chacun de notre côté dans l’animation depuis une dizaine d’année. On a un parcours assez différent en certains points, et on s’est rencontré dans une grosse machine à colos il y a 5/6 ans et on a continué de travailler dans cet organisme et quand la façon dont on voulait travailler ne convenait plus à l’organisateur ou à l’organisatrice. On a décidé de se mettre en marge et de continuer notre chemin, un peu à côté.
Alors, cet été, été 2021. Au moment où on enregistre, on est encore en 2021. Par rapport à la diffusion. C’était votre première saison.
Mélina : Ouais, tout à fait.
P.P : Et donc l’idée… C’est pour ça que je vous ai proposés de venir, encore une fois, c’était de faire un peu un bilan de ce qu’il c’était passé durant cet été pour vous. Voir si, au final, par rapport aux valeurs que vous vouliez mettre en place… ça a marché. Ce qui a fonctionné, ce qui à moins bien fonctionné etc. Et donc l’idée voilà, c’est que sur cet épisode, un peu différent des autres, où on essai de découvrir, là on est plutôt sur : essayer de comprendre qu’est ce qui s’est passé entre vos intentions et la réalité du terrain. Alors pour qu’on commence, je propose que déjà, vous pouvez faire un bilan général, une idée générale de comment ça s’est déroulé pour vous cette session d’été.
Mélina : Alors déjà, je pense qu’il y a un truc qu’on peut dire en premier lieu, c’est qu’on a réussi à partir avec un nombre suffisant d’inscrit et d’inscrite en année COVID, puisque l’année 2021, les séjours de vacances étaient interdit jusqu’à un mois et demi avant le départ de notre organisme, de notre séjour de cet été. Et qu’en plus il y avait toute l’incertitude du passe sanitaire aux dates de notre séjour qui était début août. Donc, avant même de rentrer dans le détail de la pédagogie, il y a un premier point c’est qu’on a réussi à faire partir ce séjour, et à avoir suffisamment d’inscrits et d’inscrites, donc de personnes qui ont eu la démarche de vouloir partir avec nous tout en ayant en tête l’incertitude que le séjour ait lieu et tout ce que ça peut avoir comme peur…Entre guillemets, un responsable légal, en termes de remboursement dans un petite structure, d’autant plus quand il s’agit d’une nouvelle structure inconnue du marché, sur une année où justement… Il y avait un peu plus de secousses que d’habitude diront-nous.
P.P : J’ai bien pensé à ça. Je me suis dit que l’inscription… Les inscriptions, est sûrement un des points qui a dû être le plus récent sur l’organisation en séjour. Donc je l’ai gardé en point à aborder. Alors c’est vrai que je n’ai pas l’idée générale, mais peut-être qu’avant… Est-ce que vous pouvez préciser combien de séjours il y avait ? Est-ce qu’ils étaient en même temps ? Etc. Parce que là j’ai entendu qu’il y avait un séjour donc je me suis dit peut-être que vous avez fait un unique séjour. Combien de jour est-ce qu’il faisait ? Est-ce que c’était au moi de juillet ? Au mois d’aout etc ?
Thibaut : Cette année, on est parti avec dit jeune, et on a eu un seul séjour de 14 jours. C’est un truc avec lequel on… Enfin, c’est quelque chose qu’on défendait de repartir sur des séjours de 15 jours, et peut-être un jour plus, mais c’est de rompre avec la logique de séjour plus cours avec 6 à 10 jours avec lequel on est pas trop d’accord parce qu’on arrive pas à mettre en place ce qu’on veut mettre en place avec les jeunes. Du coup, on est parti sur un séjour et on est parti avec 10 jeunes. On en espérait en toute honnêteté une trentaine, mais première année plus année de COVID, au final on est presque rentrés dans nos frais donc on n’est pas tant à plaindre. Pour une première année d’une structure comme la nôtre. L’année prochaine, on essaie de passer sur deux séjour sd’une trentaine de jeunes. Deux séjours qui s’enchainent dans le même centre, donc dans le Jura, à Crotenay, voilà.
P.P : Donc c’est-à-dire que là au final, dans l’idée générale, c’est plutôt un succès, ce qu’il s’est passé en termes de déroulement sur les enjeux que vous vous étiez posé avant le séjour et au résultat. Vous vous dîtes, ça fonctionne, et là, on va essayer de grossir le truc.
Thibaut : C’est surtout au vu de la contrainte qu’a été le COVID, et du coup la frilosité des parent qu’on comprend parfaitement. C’est pas un échec. Au-delà de la pure réussite, d’un point de vu purement comptable, c’est pas un échec.
Mélina : Et d’un point de vu pédagogique, ça a même été très intéressant, parce qu’on eu des très bonnes surprises. Je pense que moi, une des surprises qui m’a le plus marquée, c’est que, du fait qu’on n’a pas d’aide de l’état, du fait qu’on est une nouvelle structure, qu’on n’a pas encore accès à des subventions, on a fait des demandes, mais on n’est pas sûr de décrocher des subventions puisqu’on est sujet qui fait débat. Je pense notamment aux unes de presses de la semaine dernière. Donc là au moment où on enregistre, le Figaro a un article pour critiquer les démarches de notre type dans l’éducation… donc voilà… On ne bénéficie pas d’aides de l’état ou d’aides extérieures pour notre asso. Et du coup, nos prix, on nous les a souvent challengés comme étant particulièrement élevés pour des classes sociales plus en difficulté. Sachant que nous vraiment on ne pouvait pas faire plus bas. On a déjà clairement joué sur la ligne, qui fait qu’on avait un seuil de rentabilité qui n’était pas simple. Que Thibaut a fait un travail de budgétisation pour réduire les coûts qui pouvaient être réduits tout en gardant une alimentation biologique dès que c’était possible et la démarche d’avoir des producteurs et productrices locaux pour l’alimentation… sans baisser la qualité quoi. Et il s’est avéré que sur place on avait un public qui était extrêmement varié de fait. Parce qu’on avait autant des enfants de classes sociales qu’on pourrait dire… aisés, que des bénéficiaires de minima sociaux et des jeunes issus d’une classe moyenne. Ce qui déjà, pour moi était une surprise positive, pour moi qui pensait peut-être avoir des jeunes plus uniformes du fait d’un pricing, qui ne parait pas de premier abord accessibles à tous et à toutes, bien qu’inférieur à la plupart du marché.
P.P : Alors justement, parlons des objectifs pédagogiques. Puisque c’était un séjour, alors je fait le lien directement, entre objectifs pédagogiques et objectifs éducatifs. Allons toute suite sur le sujet. Quels étaient vos objectifs pédagogiques et est-ce qu’ils ont été réussis ? Lesquels ont été réussis ? Lesquels ont été ratés ?
Thibaut : On pourrait discuter du terme réussir parce qu’on cherche à tendre vers notre objectif, on cherche à tendre vers la fabrication d’un espace safe. De fait, on est des humains, on mélange des jeunes entre eux et on a forcément un vivre-ensemble. Et ce vivre ensemble ça va être le choc de plusieurs dynamiques et on sait qu’on attendra jamais vraiment, à 100%, un espace complètement safe. On ne veut pas mettre les jeunes dans des bulles, de fait, ça va s’entrechoquer. Et nous, du coup, notre objectif, c’est de minimiser ces petits chocs entre les jeunes. Et donc nous, de ce qu’on a vu, de ce qu’on a réussi à faire. On trouve qu’on a bien réussi là ou on voulait réussir, ça veut dire qu’on a eu une diversité sociale, on a eu différentes croyances, on a eu tout un tas de minorités qui on vécu ensembles et qui ont passés deux semaines sans chocs notables en fait. Et de fait, pour nous, on a réussi là où on voulait réussir. Dire qu’on a réussi un objectif, c’est compliqué, parce qu’on ne réussira jamais assez bien à nos yeux. Mais, je pense qu’on a touché quelque chose d’intéressant, et qu’on a fait ce qu’on voulait faire et on tend vers notre objectif.
Mélina : Je rajouterai en complément que du coup dans les faits : tout vivre ensemble va être une forme de violence. Dans le sens où là du coup, on a une mixité, comme je vous le disais juste avant, qui était supérieur à nos attentes. Donc, avec du coup des personnes dont les croyances étaient très variées, des personnes non les milieux sociaux étaient très variés. Et du coup, il y a forcément une forme de violence dans tout vivre-ensemble comme la dit Thibault. Par exemple quand un enfant très aisé parle d’un l’argent de poche face à quelqu’un dont les parents ont réuni des petites pièces rouges pour payer la colo. Forcément, il y a toujours une violence, mais en fait, nous, notre objectif c’était d’enlever la violence qui était structurelle, la violence qui était amenée par l’équipe d’animation. Là où il pouvait y avoir des débats entre jeunes sur des sujets qui les tenaient à cœur, sur des différences de conception du monde, des différences de personne en fait. L’idée c’était que, nous, on n’amène pas nos croyances comme étant oppressives pour ces jeunes en question. Et du coup, le vivre-ensemble, c’était eux qui le créent, sans avoir les animateurs, qui d’une certaine façon, dominent, parce qu’ils représentent l’autorité en séjour de vacances, amènent l’oppression de par leur prisme. Et c’est là que je trouve que du coup, on a eu des choses très belles qui se sont passées. Et ça s’est vu sur les retours parents et les retours enfants, puisqu’on a des retours parents et enfant qui sont ravis de leur expérience. Alors que justement, les profils étaient extrêmement variés et qu’on aurait pu croire à de l’entrechocage, Et que les médias même, voudrait nous faire croire qu’on peut pas faire cohabiter certains profils qu’on a eu sur le séjour.
P.P : Alors, tu sais que j’aime aime bien avoir des exemples. Est-ce que vous avez des exemples, enfin au moins un exemple concret, cour essayer d’imaginer un peu ce qu’il s’est passé, qui vous fait dire que là, justement, ça a réussi à cohabiter.
Mélina : On avait déjà une personne qui était de confession musulmane pratiquante qui a vécu du coup avec des jeunes qui se revendiquaient LGBTQ+ et Militants dans leur identité. Et on peut croire au premier abord que ça ne se passerait pas forcément bien quand… L’apriori peut être négatif là-dessus. Notamment si on écoute beaucoup les médias. Ça c’est un exemple mais au final c’est pas celui qui était le plus intéressant. Celui que, moi, j’ai trouvé intéressant c’est un handicap assez lourd d’une des jeunes qui l’amenait à aborder des sujets qui peuvent ne pas être safe pour d’autres. Et une extrême bienveillance de ces autres jeunes vis à vis de ce handicap .Typiquement, une jeune pour qui le genre ne peut pas rentrer dans sa conception du monde, parce que la différence entre filles/garçons étaient déjà assez difficile à aborder dans sa conception. Alors la transidentité, en vient à ce que ce soit encore plus complexe. Et qui au final va cohabiter avec des jeunes trans. Et ça va se passer avec une douceur et un vivre-ensemble qui est hyper intéressant là-dessus et qui fait que les deux vont réussir à cohabiter de façon saine et de façon construite. Et qu’on en vient justement à avoir cette jeune, qui arrive à utiliser le bon genre sur une personne transgenre, ce qui ne pourrait pas être forcément intuitif le premier jour.
P.P : Et comment vous avez réussi à faire ça ? Parce que là, tu vois, quand j’entends ça, moi… du coup, forcément, j’ai des images. Et une des images que j’ai, c’est que possiblement… Il y a eu une évitation du sujet par exemple. Pour éviter, par exemple, que le problème justement soit créé. Je pense pas que ce soit comme ça que vous l’avez fait, mais du coup, j’aimerais avoir une autre image en tête.
Mélina : En fait, c’est déjà créer l’espace du dialogue, et un espace où du coup chacun et chacune puisse avoir de l’empathie et de la compréhension envers l’autre. C’est-à-dire que… On se juge soi-même à partir de ce que l’on pense, mais on juge les autres à partir de leurs actes Et quand tu crées le dialogue, tu casses ça. Et tu peux justement permettre de comprendre… Ce qu’il se passe dans la tête de l’autre, et ce qui amène l’autre à penser comme elle pense, et avoir les actes… En gros, quand soi-même, on est capable d’observer ses pensées, on est capable d’observer son cheminement, sa réflexion qui nous amène à avoir des actes. Mais on n’est pas capable de connaître la réflexion, et ce chemin de pensée qui va amener quelqu’un d’autre à agir. Et c’est là que le dialogue a vraiment une énorme force. C’est que, quand on créer le dialogue, on permet justement de rentrer dans ce monde de la tête de quelqu’un d’autre, de son chemin de pensé. C’est pas forcément facilité, notamment pour les personnes dont la communication n’est pas forcément verbale. C’était le cas notamment d’une jeune fille sur notre séjour. Mais c’est là aussi, qu’on peut avoir des anims qui servent de traducteurices pour… pour faire comprendre un petit peu le prisme de vision et de conception du monde de le ou la jeune concerné. Mais dès qu’on crée ce dialogue et cette communication en fait, on permet que ces deux visions du monde s’entrechoquent sans qu’il n’y ait une forme de domination. Quelque chose qui est juste et quelque chose qui est faux. Parce qu’au final les deux ont leur univers et leur vérité Et quand on se met à le partager on créer de l’empathie. Et dès qu’il y a de l’empathie… on avance. Donc… Pour le cas par exemple du jeune transgenre et de l’adolescente handi qui avait vraiment du mal à comprendre la transidentité. Il y avait un jeu de : justement, apprendre à se préserver pour la personne transgenre, qui n’a pas envie de se faire mesgenrer toute la journée. De savoir s’isoler, de savoir se dire : « Là, je n’ai pas l’énergie ». Et à l’inverse, si une autre personne transgenre, ou si cette même personne transgenre a l’énergie… Aller réexpliquer justement : « bah non, moi je suis un garçon, parce que je veux être un garçon. Et c’est pas parce que j’ai les cheveux longs ou parce que tu crois que je suis une fille que je ne suis pas un garçon. » Et ça fini sur des moments très beaux, comme genre : “Ah c’est vrai que tu es un beau garçon” qui était un moment un petit peu émouvant. Voilà, c’est dès qu’on créé cette compréhension et cette empathie avec l’autre que justement on peut aller plus loin et on peut dépasser les différences évidentes qui paraissent là, et c’est pas justement, en restant cloisonné, vraiment, c’est par la discussion, tout en étant à l’écoute de soi-même évidemment. Ils sont pas forcément en vacances pour passer le temps à faire de l’explication et de la vulgarisation quelque part. Mais ça a pas été le cas au final, c’était presque eux tout le temps qui étaient dans les débats et les discussions, à vouloir refaire le monde. Même quand on ne leur soulignait pas, ils avaient une démarche très naturelle là-dessus. Et à l’inverse, ils ont su plusieurs fois s’isoler quand ils avaient envie, justement, de rester un peu moins dans ces moments d’échanges et de dialogue et de partage de valeurs un peu plus intimes, qui peut-être demandent un effort émotionnel un peu plus marqué. Mais il y avait les espaces pour les deux, et ça a permit justement ces moments de rencontres assez forts. De mon point de vue, du moins.
P.P : Là tu me parles beaucoup du dialogue. Comment vous le cadriez ce dialogue vous, pour que justement, il évite cette violence, ce risque de violence ? Parce que forcément comme tu dis, c’est une confrontation d’idéologies, d’idées, de vécues, d’expériences, et comme tu dis il y a un jugement qui va être forcément présent à un moment ou à un autre. Et donc comment vous faites pour qu’on aille au-delà de ça ? Sans être forcément dans la confrontation ?
Mélina : Au final il n’y a pas réellement eu de moment de réelle confrontation.
P.P : Ah ça c’est le résultat. Mais qu’est-ce qui fait qu’à un moment, il n’y a pas eu cette réelle confrontation ?
Mélina : Ah mais du coup j’essaie de conscientiser ce qu’on a mis en place, du coup peut-être par habitude. Donc d’essayer de conscientiser des choses qui sont devenus presque habituelles. Je pense qu’il y a déjà le fait qu’on ait parlé aux jeunes en amont d’essayer d’être dans l’introspection, et de savoir quand est-ce qu’on est capable d’être dans un dialogue et d’avoir une envie de partager, et quand est-ce qu’on en a pas envie. Parce que du coup, quand on en a pas envie, je pense qu’on est plus facilement dans de l’agression, de l’affrontement. On cogne un peu plus, quelque part. Là, quand justement, on a cette énergie là, il se passe des choses beaucoup plus fortes. Et c’est vrai que ça, c’est un truc que activement on a fait, de parler du : des fois on envie, des fois on a pas envie de parler de ces trucs-là. Donc il y a eu ces moments où justement les jeunes pouvaient s’introspecter et réfléchir à ça. Et il y a eu le fait de souligner, quand justement il y a eu des démarches dans ce sens là, d’aller dire : « ouai c’est super d’avoir fait cet effort de transparence et de dialogue. » Sinon je ne vois pas d’idées de choses très concrètes, à part de les mettre autour d’une table quelque part, et de les faire vivre ensemble. Et de discuter ensemble de règles de vie, et de les faire discuter ensemble de qu’est-ce qu’on créer comme société tous ensemble.
Thibaut : Pour rebondir, je trouve qu’aussi il y a quelque chose de très concret sur le cadre souple en fait. C’est pas juste un enrobage esthétique. C’est vraiment le fait d’inciter à dire vous êtes acteurs et actrices de votre séjour. Et ça passe justement par le fait de, justement tu l’as dit, de : si ils ou elles veulent s’isoler, ils où elles peuvent. Parce que les jeunes sont bien souvent plus efficaces que nous, qui avons été conditionnés pendant 30 ans à savoir quand on avait nos besoin : on a faim à tel moment, on a envie de faire pipi à tel moment, on a besoin de dormir à tel moment… Et on est au final très loin de nos vrais ressentis. Et les jeunes sont au final beaucoup plus efficace que nous à savoir quand ils ont envie d’aller pisser, quand est-ce qu’ils ont faim ou surtout quand ils ont besoin de s’isoler. Et du coup juste les laisser s’exprimer est souvent extrêmement efficace pour éviter le conflit ou chercher le dialogue.
P.P : Par rapport à ça d’ailleurs, est-ce que vous avez pas eu au début des jeunes qui ont cherché à se confronter au cadre ? Puisque souvent c’est ça quand tu dis aux jeunes au début : « Voilà, on va faire attention à votre ressenti etc ». Est-ce qu’il y en a pas qui, tout de suite, parce qu’ils m’ont jamais vécu ça avant, Peuvent tout de suite même s’ils n’ont pas vraiment envie de s’exprimer, mais ils vont essayer de le faire juste pour vérifier s’ils peuvent s’exprimer. Enfin voilà qu’ils se confrontent au cadre.
Thibaut : Quand on dit : « définis-moi le cadre », ils ont du mal à le rompre en fait. Et ça permet à la fois qu’ils ou elles se sentent activement impliqués dans le fait de définir ce cadre, et qu’ils comprennent pourquoi il existe en fait. Et que nous, on est juste là presque comme garant de la légalité. Et ce qui fait que les jeunes cherchent pas naturellement à rompre le cadre.
Mélina : Typiquement, un moment qui est très important pour moi c’est le moment des règles de vie. D’ailleurs, si vous le souhaitez, sur le compte Instagram de l’association Toustes en Colo, j’incite si vous voulez aller voir le détail, Muzett qui est notre responsable communication, qui est la secrétaire de l’association, a vraiment fait un gros post sur le sujet des règles de vie. Mais pour moi c’est un moment qui est vraiment clé, qu’on fait vraiment le matin du deuxième jour. Pourquoi le matin du deuxième jour ? C’est parce que le premier jour, en général, on oublie souvent qu’un jeune il a fait un transport, il s’est levé tôt, il a été stressé parce qu’il allait rencontrer de nouveaux visages, il a pris un train, il a pris peut-être un bus, peut-être que ses parents était stressé qu’il fasse sa valise… Bref, c’est le pire moment le premier soir pour faire les règles de vie en termes de tout ce qui se passe dans le corps. Mais du coup, le lendemain matin, après une bonne nuit de sommeil, donc on ne réveille pas les jeunes. Quand tout le monde est levé, donc même l’après-midi s’il faut, on a ce temps des règles de vie ou justement, on se met ensemble en sous-groupes. Pourquoi en sous-groupes ? C’est pour que des gens qui ne veulent pas aborder des sujets qui sont sensibles pour elleux puissent ne pas les aborder. Mais du coup dans ses sous-groupes vont se poser la question de : qu’est-ce qu’on construit comme vivre-ensemble. Sachant que c’est pas immuable, et que ça peut être changé. Je donne un exemple très concret, cette année, les horaires de repas ont été modifiés en jour 4, quand ils se sont aperçus que, 1h30 entre le petit-déjeuner et le déjeuner, ils avaient pas faim. Mais c’est ce moment là, en fait, où ils s’aperçoivent qu’ils sont vraiment maîtres de qu’est-ce qu’ils mettent en place, et que nous, la seule limite qu’on leur met c’est la légalité. C’est vraiment ce moment qui va faire cliquer le fait qu’on n’ait pas cette friction. Quand moi je dis non, je ne dis pas « non, ça on fait pas. » Je dis « tenez, j’ai amené le JPA. » Le JPA, pour ceux qui ne connaissent pas, C’est une association qui, entre guillemets, vulgarise les réglementations liées aux accueils collectifs de mineurs, donc c’est très accessible à la lecture, c’est mieux que legifrance. Legifrance c’est beaucoup plus complet, mais un JPA c’est beaucoup plus agréable à lire. Et du coup, leur dire : « non c’est pas moi qui t’interdit ça, regarde le JPA, puis le code du travail » puisque de toute façon il est obligatoire d’avoir un code de travail en séjour de vacances, les règles HCCP… En fait ces documents ils sont devant et elleux. Et du coup, forcément, quand on leur dit non, on leur dit non parce qu’il y a un cadre légal qu’ils ont devant elleux, donc ils n’ont pas de raison de croire que l’on veut leur imposer quoi que ce soit. Et pour ce qui est de jeunes qui voudrait chercher la friction, là pour moi on diverge de ce sujet là. Ce sont des jeunes qui en fait cherchent une attention, et qui du coup, vont rechercher l’attention en ayant un comportement qui leur donne de l‘attention. Et ça, encore une fois pour moi, c’est un sujet qui est complètement différent du cadre du séjour puisque c’est un sujet d’autorité, que j’ai pu, moi, avoir à vivre à de nombreuses occasions. C’est qu’en fait, en réagissant au moment où ils viennent chercher la friction, on valide le chemin cognitif qui se fait. C’est-à-dire, si je fais une connerie pour chercher de l’attention, et que’on me tombe dessus, j’ai gagné, parce que ce que je voulais c’était de l’attention. Et du coup, ne pas avoir de réaction à des comportements qui se veulent sur la limite de la provocation, en général, avorte les envies de provocation qui peut y avoir. Puisque du coup, sans réaction il n’y a pas trop d’intérêts en fait, à faire ça. Genre ,si par exemple je me mets à dire une insanité, et que personne ne répond à mon insanité, et que juste tout le monde m’ignore, et qu’à l’inverse on me donne de l’attention à un moment qui n’a rien à voir, genre : “ Ah merci de m’avoir passé tel truc”. Ça vient secouer, et ça crée un petit état de : “ Ah mince, ce n’est pas mes habitudes, donc est-ce que du coup je me remets à essayer de comprendre ce qu’il se passe autour de moi ? Quel est ce cadre ? Est-ce que j’y ai voix ? Quelle est la limite de ma voix dans ce cadre ?” Etc.
P.P : Est-ce que vous avez d’autres objectifs pédagogiques que vous n’aviez pas encore expliqué par rapport à votre séjour ?
Mélina : La chance, c’est que je suis devant un ordinateur, donc je vais pouvoir te dire exactement les objectifs qu’on s’était mis. Comme ça, je pars pas trop loin. Du coup, nous, les objectifs tels qu’on se les ait posés dans le projet péda de cette année, mais qui du coup sont le prolongement du projet éducatif. C’étaient : Permettre à chaque jeune de vivre les vacances qui lui conviennent. Donc là-dessus on a pu revenir sur l’aspect safe space, mais on a également aussi le fait que chaque jeune est maître ou maîtresse de son rythme. Donc deux rythmes complètement différents peuvent cohabiter sur le même séjour. Là-dessus, j’ai un exemple qui m’a beaucoup parlé, c’est un jeune,qui était super, je pense que thibaut sera d’accord avec moi, qui n’aimait pas les jeux à grand groupe mais qui adorait le jeux à moyen groupe, voir les moments à deux/trois. Et qui a pu vivre un séjour je pense tout aussi qualitatif pour lui, en tout cas vu les retours de son séjour c’était le cas, que des jeunes qui à l’inverse, adorent la synergie d’un grand groupe. Parce que justement, sur le jeux où il y avait beaucoup de monde il n’avait pas envie d’y aller, et d’ailleurs Thibaut a passé énormément de temps avec lui à faire plein d’activités super cool, et à l’inverse, sur des jeux à trois/quatre, il a été extrêmement actif, extrêmement demandeur. Ce qui fait que, justement, il avait la possibilité de choisir les vacances qui lui plaisaient à lui, et pas forcément les vacances qui plaisaient son camarade de chambre. Ensuite on avait la notion de choix, de proposer aux jeunes… Ça je reviendrai dessus parce que c’est peut-être celui sur lequel on veut évoluer pour l’année prochaine. Le fait de permettre une rupture avec le quotidien, donc ça, c’est le safe space, on en a déjà parlé, mais également de sortir de la logique consumériste de contenu sur un séjour. Donc sous prétexte qu’on a payé pour un séjour, sous prétexte que le temps est important, que le temps passe, que le temps c’est de l’argent, ou tout autre injonction qu’on peut avoir dans la vie… On a tendance à vouloir optimiser ses vacances, et donc on avait une volonté de pouvoir permettre une rupture avec ça. En justement, valorisant les temps creux, accepter les temps creux, limiter la consommation de matériel, ne pas vouloir faire de l’apprentissage à tout prix sur le séjour. Et moi là-dessus j’ai vu des journées, ou justement on est sur des idées : “Ah aujourd’hui il fait trop beau, c’est le premier jour où il fait beau depuis une semaine. Et si on profitait juste d’être dehors, sans faire quelque chose.” Et c’était des très bons moments, c’était des très bons souvenirs pour tout le monde. Donc là j’ai vraiment senti qu’on avait atteint cette rupture, contrairement au premier jour ou il y avait vraiment l’habitude de chercher à faire des activités, même si elles n’avaient rien d’organisées. D’aller chercher les pôles autonomes, les espaces Freinet etc… Là il avait vraiment la volonté de : “Ba non là il fait beau pour la première fois depuis quatre jours, est-ce qu’on kifferait juste pas qu’il fasse beau ?” Ça, je pense que ça a été vraiment très réussi également. Et du coup je reviens sur le côté choix, sur ça on a un petit peu évolué nous, en terme de pensés, parce que le choix implique quand même que nous, on propose majoritairement des choses, et qu’à proposer beaucoup de choix, on a peut-être moins eu la décision. C’est-à-dire que de faire des choix, c’est pas exactement la même chose que de prendre des décisions. J’essaie de rendre facile d’accès notre réflexion là-dessus, mais globalement, on n’a pas réussi à sortir de cette mécanique de planning qu’on remplit. Alors, on le remplit avec des choix, on le remplit avec des possibilités différentes sur un même créneau. Mais il y a quand même un planning, il y a quand même des propositions d’anims, et pas forcément que des propositions de jeunes.
P.P : Vous me rappelez un séjour que j’ai fait, et justement, on s’est posé la question. Parce que on ne voulait pas, comme vous, imposer un planning d’activité. Et donc le matin, en gros, on avait dit : le matin c’est projet d’enfants. C’était une bonne excuse pour dire qu’il y avait quelque chose dans le planning, histoire de, quand on communique aux familles des choses qui sont proposées, on dise pas que : “voilà, il n’y a rien de prévu”. Et le matin on avait dit aux enfants : ”voilà c’est votre matinée, qu’est-ce qu’on fait ?” Et donc les premières fois, ça a fait je pense comme beaucoup, comme tu disais au début, ils veulent absolument faire de l’activité. Donc ils sont là : ”euh… on va préparer la prochaine boom”. Et très vite, c’est devenu assez inattendu. Par exemple, on a un enfant, il a appris à faire du vélo. Ce sont vraiment des moments très chouettes, donc je comprends bien ce que vous vouliez mettre en place. La difficulté quand il y a trop de choix, c’est de ne pas pouvoir choisir.
Thibaut : Et d’être frustré de ne pas avoir choisi l’autre choix, parce que si ça se trouve, ça aurait été vachement bien l’autre choix que l’anim avait proposé. Je pense que c’est assez frustrant, de proposer plein de choses, et du coup il y a des jeunes qui voudraient tout faire, et qui auraient fait la moitié de ce qui était possible, et je pense qu’il y a une vraie frustration qui naît de ça. Et il y a deux autres choses aussi sur la question du planning. La première c’est que, moi j’aimerais beaucoup faire disparaître le planning pour éviter d’avoir justement cette frustration du temps, et des jours qui passent les uns après les autres, et que les jeunes soit moins dans le carcan : réveil à tel heure, couché à tel heure, tout ça. C’est vraiment quelque chose que j’aimerais faire disparaître, mais en même temps c’est quelque chose qu’il ne faut surtout pas complètement faire disparaître. Parce qu’il y a certains jeunes, et on peut pas anticiper qui aura besoin d’une forme de cadre à cet endroit là, et qui, quand ils sont perdus, il y a une forme de violence institutionnelle à fabriquer un emploi du temps sans temps. Et ça, c’est quelque chose qu’il ne faut pas perdre de vue, donc on essaie d’estomper le système d’heure, tout en ne le détruisant pas complètement.
P.P : Parce que les repères sont importants.
Thibaut : C’est ça, c’est extrêmement important de garder des repères, mais en même temps pour tous ceux qui n’ont pas besoin de vivre dans un calendrier très précis, essayer d’estomper pour perdre le rythme scolaire aussi. Essayer de retrouver quelque chose de plus sain, où ils peuvent s’exprimer librement. Et ensuite, pour rebondir sur le fait de remplir un calendrier, il y a aussi qu’on n’imposerait pas à de jeunes adultes qui partent en vacances un planning. Qui ? Pendant ses vacances à 18 ans, a suivi son petit programme ? Personne ne suit ça et en fait C’est dingue qu’on l’impose à des jeunes : “ Vous allez faire votre programme et vous allez le suivre, à tout prix”. En vacances personne ne suit ces gens là, faut être honnête.
P.P : Après, quelle tranche d’âge vous aviez ? Pour contextualiser le séjour, si vous aviez des 6/8 ans les réflexions ne vont peut-être pas être les mêmes que les 15/17.
Mélina : Alors par contre là-dessus j’ai déjà fait, moi, dans le cadre de mon expérience personnelle, des plus jeunes. Oui ça n’amène pas à la même façon de faire pour mettre en place ça, mais ça ne veut pas dire qu’il faille tomber dans l’extrême inverse de : ils ont besoin d’un planning.
P.P : Ah je suis d’accord avec toi.
Mélina : On va mettre en place, pas forcément les mêmes choses. Mais dans les faits, à partir du moment où on a des profils variés et qu’on veut faire de l’inclusion, On va quand même mettre en place des tips qu’on pourrait utiliser chez les plus jeunes. Typiquement, l’année prochaine, je veux vraiment qu’on ait une horloge dans le foyer. C’est un exemple très simple. Mais parce que même si, justement, on peut se permettre de prendre le goûter en faisant son activité, et de faire une activité qui dure 4h l’aprem et que à l’inverse, le lendemain on fait une activité qui dure une demi-heure, de savoir l’heure qu’il est, ça peut être important pour plein de jeunes. Et pour moi, justement avec les petits, on met facilement en place toutes ces petites choses-là, pour leur permettre de prendre conscience du temps etc. Mais ça veut pas dire qu’il faut croire à leur place qu’on connait mieux leur rythme, qu’on connait mieux leurs envies. C’est d’ailleurs souvent quelque chose que je vois chez les primaires, les primaires c’est les 6/10 ans, quand je travaille chez d’autres organismes, c’est de remplir trop, de les avoir épuisé à la mi-séjour, et du coup, c’est là qu’il y a les explosions, c’est là qu’il y a les larmes, c’est là qu’il y a les pleurs, c’est là qu’il y a le harcèlement. Parce qu’on les presse tout le temps, tout le temps, parce qu’on a peur qu’il ne soit pas à même de jauger leurs envies.
P.P : C’est toujours la difficulté, cette balance entre : il faut absolument qu’il découvrent pleins de choses donc on va tout leur imposer et à l’inverse, en même temps si on fait rien, si on ne propose rien ils sont voués à eux-mêmes et là aussi ça les met en difficulté.
Mélina : D’où la présence des espaces, moi, que j’aime beaucoup. Les espace auto-animés c’est quelque chose auquel je tiens. Et cette année, on a je pense pour moi, fait, entre guillemets l’erreur de mettre sur le planning des animations qui devraient être de l’auto-animation. Typiquement, on avait mis sur le planning : aujourd’hui on joue à tel jeu de société, alors qu’en fait je pense qu’on ne devrait pas faire ça. C’est Thibault qui l’a conscientisé sur le séjour, on devrait juste laisser tout le temps les jeux de société, pour pas qu’on est l’attente de : on sort tel jeux pour le sortir. Mais du coup, quand dans la salle il y a 200 jeux de société, il y a la table de peinture sur figurine, d’ailleurs il y en a plein qui ont peint des figurines, qui l’eût cru que Warhammer aurait eu un tel succès, qu’il y a des machines à coudre, qu’il y a des trucs de peintures. Et en plus on a tout fait avec de la récup le matériel de craft, donc on se retrouve avec des trucs qu’on pensait pas du tout adaptés à la tranche d’âge. Typiquement de l’argile, ils se sont éclatés à faire de l’argile sans qu’on l’organise, juste il y avait de l’argile qui était là. Il y a un jeune qui était fan de cartographie, ils se sont tous mis à créer la carte incroyable du séjour. Il y avait des jeux de rôle, du coup ils se sont aussi organisés des jeux de rôles entre elleux. On peut aussi avoir de l’activité sans que ce soit une activité qui soit amené par l’animateurice. Ça peut être uniquement le fait qu’il y ait du matériel qui amène l’activité. Voilà, on peut mettre en place des espaces. La conception de l’espaces c’est quelque chose que j’aime énormément moi en plus, dans ma conception pédagogique, qui permettent l’activité, sans qu’on ait besoin de proposer l’activité. On peut du coup s’affranchir du planning encore plus que ce que on l’a fait cette année. Typiquement, il y avait presque cette attente que les animateurices animent cet espace là. Alors qu’ils auraient pu…Il y en a pour qui ça n’a pas du tout été le cas, la couture, la peinture, le Magic ça a fonctionné tout seul. C’est juste sur certains gros jeux, il y a eu de l’attente parce qu’on l’avait mis sur le planning, qu’on soit là pour animer alors que, je pense qu’ils auraient sorti plus de jeux si on n’avait pas mis un seul jeu sur le planning.
P.P : Tu me rappelles, sur la notion entre l’espace et le temps, j’avais une directrice qui avait mis en espace bibliothèque dans les toilettes. On avait en espace bibliothèque, et elle l’a déplacé dans les toilettes parce l’espace il n’était jamais utilisé. Et lorsqu’ils allaient dans les toilettes, on sait très bien que justement on prend du temps dans les toilettes, les jeunes ils ont beaucoup lu.
Mélina : Et en plus ça permet de régler un problème qu’on a souvent en séjour de vacances, qui est : les jeunes qui ont leur cycle digestif qui ne fonctionne pas forcément de pleine façon. Des adultes aussi d’ailleurs, quand on change d’environnement. Et du coup ça peut inciter à ce qu’on ait moins de soucis là-dessus, tout en valorisant en espace de lecture. On peut faire plein de choses avec la création de l’espace. C’est incroyable. Ça ouvre un champ des possibles de conceptualiser les espaces en séjour, moi que j’adore et qui me fascine.
P.P : Alors on va aller sur un peu moins de pédagogie, là je pense qu’on a passé un bon temps. On va aller un peu sur les autres problématiques que vous avez eues. Ça va être un peu plus court, l’idée c’est pas forcément de s’étaler là-dessus, parce qu’on a déjà pris pas mal de temps sur la pédagogie, ce qui est d’ailleurs le plus intéressant je pense. Comment vous avez géré le recrutement ?
Thibaut : Très facilement cette année, beaucoup plus difficilement dans les années à venir. Pour l’instant, on a une équipe très restreinte donc du coup, on a notre pool d’animateurs et d’animatrices avec lequel on travaille déjà depuis 5 ans. Donc là, le recrutement s’est fait que parmi les proches en fait, donc pour l’instant il n’y a pas encore de grandes questions à ce sujet là.
P.P : Donc au final vous êtes basée plutôt sur un recrutement par rapport aux valeurs plutôt qu’aux compétences.
Thibaut : Pour moi ça va de paire, à cet endroit-là…
Mélina : J’ai un peu de mal à voir ce que c’est qu’une compétence dans l’animation, parce qu’il peut y avoir tellement de choses. Je pense notamment au profil de quelqu’un qu’on hésite à recruter dans les années à venir, qui, ouai sera sûrement jamais capable d’organiser un jeu mais qui a tellement de compétences ailleurs. Qu’est-ce qu’on considère comme une compétence quoi ?
P.P : Je te rejoins bien, je suis pas dans l’idée de ceux ou celles qui savent faire tel ou tel jeu. Mais comme tu dis, qui peuvent avoir des compétences derrière sur les interrelations, ou autre chose etc. Donc ils vont avoir du coup d’autres compétences, que d’autres personnes qui vont être, par exemple plus énergétiques. Après tu vois, c’est en fonction des gens quoi.
Mélina : Sur du très très concret, nous on s’est imposé, et on s’impose encore, au moins un PSC1 tout les 10 inscrits et deux PSC1 minimum. Ça c’est non négociable, parce que être assistant sanitaire c’est vraiment complexe, c’est un vrai travail. D’ailleurs, je suis la seule qui n’ais pas le PSC1 de mon équipe de cet été, je le passerai bientôt, promis. Le fait qu’il n’y ait pas de quota de PSC1, qu’on puisse avoir 200 enfants avec un seul PSC1 assistant sanitaire, pour moi c’est complètement aberrant. Donc là-dessus oui, il y a une vraie compétence. Et le fait qu’on ait en espace baignable dans le centre, qui pour moi est très important, parce que c’est ce qui permet d’avoir un espace baignade un peu plus safe, fait qu’on a un recrutement de SB, forcément. Pour le reste, aujourd’hui il n’y a pas de diplôme, qui permette d’être particulièrement compétent dans certaines choses ou dans d’autres. Donc, j’ai un peu moins de mal à trouver des compétences, je vais même jusqu’à rémunérer avec la même grille de salaire quelqu’un qui est non BAFA de quelqu’un qui est BAFA. Tout en respectant bien évidemment les taux d’encadrement légaux en termes de nombre de BAFA, mais comme on est à 1 pour 5 et que sur cette tranche d’âge c’est à 1 pour 15 les BAFA, avec un maximum de 30% de non BAFA, on a quand même un petit peu de marge de manœuvre.
P.P : Est-ce que vous avez réussi, avec les notions de recrutement, avec le matériel, avec la location etc. Vous l’avez dit un petit peu rapidement au début, mais finalement est-ce que vous avez réussi à rentrer dans vos frais ?
Thibaut : Cette année, on a été dans le rouge de à peu près 1000 euros. Ce qui, à l’échelle de tout le budget paraît énorme, mais les grands pôles de dépense, ça a été la location du lieu, et les salaires, et très très peu la question du matériel. Il y a eu 10% sur l’alimentaire, mais le matériel d’animation a été très peu cher parce que ça a été majoritairement des dons, donc c’est pas ça qui nous a impacté le plus.
Mélina : Et ça a été un choix pédagogique.
Thibaut : Et ça a été un vrai choix, de pas partir avec du matériel jetable, comme ce qu’on avait déjà fait dans les ACM traditionnels, d’avoir des malles papeteries dégoulinantes de matériel, où tout va être jeté à la fin des 2 mois. Non, non, il y avait une vraie volonté de rupture avec ce qu’on connaissait en fait. De repartir avec, ou du don, ou des choses qui vont être réutilisées d’année en année.
P.P : Et vous avez pu faire aussi tous les projets que vous vouliez pendant le séjour ? Ou en tout cas, que les jeunes voulaient faire ? Ou est-ce que le budget était limité à ce niveau-là ?
Thibaut : Qu’est-ce qu’on entend par projet ? Parce que nous c’était quelque chose avec lequel on essayait de lutter aussi, là où on était, les jeunes partaient avec un projet, ils devaient à tout prix finir leur projet, ça a beaucoup généré d’angoisses. Du coup nous c’était : pas de projet.
P.P : Alors quand je dis projet, c’était plus dans l’idée, les envies des jeunes qui voulaient faire quelque chose, et qui a pu être fait. Ou est-ce que le budget a restreint certaines possibilités ?
Thibaut : Alors nous on avait gardé une part du budget, pour que les jeunes, si ils ou elles voulaient faire une cascade, du canyoning, ou que sais-je ? Qu’on puisse le faire, et du coup, cette année, on a juste fait une petite escapade dans la ville d’à côté, dans un petit village moyenâgeux, qui était très joli. À Baume-les-Messieurs, c’était très beau, il y avait une cascade un peu digne de Walt Disney, comme ça, c’était vraiment très beau. Et donc ça ne nous a pas coûté très cher pour le coup. Et sinon sur leurs projets, que ils ou elles ont pu faire au cours du séjour, il y a eu pas mal de machine à coudre, de la peinture, donc il y en a qui sont repartis avec leurs figurines, mais vraiment sans aucune pression. C’est elles et eux qui sont partis sur les différentes tables pour faire ce qu’ils et elles avaient envie de faire, ils sont partis avec ce qu’ils et elles avaient fait. Et ce qui est surprenant d’ailleurs, sur ces sujets là, c’est que quand on leur dit pas : “C’est votre projet, vous allez repartir avec.” Il y en a beaucoup qui choisissent de ne pas repartir avec. Ça, par exemple sur les figurines ou sur la couture, c’était : “Vous avez le droit de peindre ces figurines, ou de peindre celles-là si vous préférez repartir avec”. Il y en a beaucoup qui décident de peindre ce qui va servir à la collectivité. Il y a des figurines qui vont servir pour des jeux, il y en a beaucoup qui décident de peindre ça en se disant : “De toute façon si je ne pars pas avec ça ne me dérange pas, je préfère que d’autres bénéficient du fait que j’ai peint cette figurine”. Donc du coup il y a vraiment une rupture avec cette logique de : “Je veux repartir avec quelque chose.” Et je trouve ça très intéressant.
P.P : Est-ce que tu penses qu’il y avait aussi cette notion, qui est rarement mis en avant d’ailleurs, qui est de se dire que ce que tu vas faire, ce que tu vas produire, ça va servir pour les autres. Et donc forcément, tu te dis derrière : “je sers pour la société”. Ça valorise aussi ça.
Thibaut : Alors là on part sur des croyances, mais en ce qui me concerne, ouais je crois que chacun, chacune, n’a pas la volonté forcément de passer devant le groupe, et du coup naturellement quand on laisse les jeunes faire, il y en a beaucoup qui comprennent cet intérêt de travailler pour le collectif en fait. Et là je n’ai rien induit en fait, j’ai juste laissé aux jeunes la possibilité de faire ça. Il y en a une majorité qui choisissent de faire ça, et j’ai pas amené un discours quel qu’il soit, politique ou non, que nenni. Les jeunes préfèrent travailler pour le groupe en fait, et moi je trouve ça très optimisant pour ma part.
Mélina : L’exemple concret en fait, nous sur les figurines, du fait de nos contacts personnels etc, cette année on n’avait pas fait de liste de don pour le matériel de craft. Ce qu’on appelle craft c’est tout le matériel qui va être consommable et consommé sur le séjour. On avait des figurines, donc des Warhammer, qui du coup n’appartenaient pas à une grosse armée, donc ils n’ont pas vocation à être utilisé sur un séjour d’après, qui étaient là, et donc il pouvait repartir avec. Et à l’inverse on avait nos propres jeux de société qu’on avait amenés, mon jeu Histoire de Peluches est magnifique, donc si un des jeunes m’écoute, merci d’avoir peint mon Histoire de Peluches, je l’adore maintenant, et les jeunes de l’année prochaine adoreront jouer avec. Et voilà ils sont tous allés peindre le jeu qui en fait servirait à tous les séjours derrière.
P.P : Très bon jeu d’ailleurs, Histoire de Peluches. Les autres moyens que vous avez mis en place ? Là on a parlé des animateurs, du budget, là vous avez dit qu’il y avait beaucoup de récup etc… Moi je pense maintenant un peu plus à l’espace que vous avez loué, là où vous l’avez loué, le contexte etc… Et peut-être d’autres moyens, s’il y en a d’autres que je n’ai pas en tête. Est-ce qu’ils ont été plutôt aidants ? Ou ils ont été limitants ?
Thibaut : Limitant dans la mesure où ça reste un gîte privé donc ça nous coûte de l’argent, et c’est le principal pôle de dépenses. Mais en soi, le choix du gîte a été vraiment très cool pour nous. Parce qu’on voulait que ce soit un gîte pas trop grand pour rompre avec la logique de lycée, par habitude les gros organismes travaillent avec des lycées privés qu’ils louent pendant l’été, parce que le lycée cherche à se faire de l’argent, et du coup ce sont des grands internats qui sont loués pour les colos. Donc souvent ça fait des colos de 100/150 jeunes, et c’est compliqué de fabriquer un cadre un peu agréable là-dedans. Et nous, du coup on voulait rompre avec cette idée-là. Donc on essaie de parler le moins possible de centre, mais de parler de gîte en fait, pour faire des vacances. Et du coup, le gîte qu’on a pris, il fait une trentaine de places pour les jeunes. Et du coup ça nous a vraiment permis d’avoir une intimité très tôt en fait, que le groupe ait son intimité très tôt. Et ça c’était vraiment très important je pense.
Mélina : J’allais compléter avec le fait que nous le gîte, c’était vraiment une source… pas d’angoisse, il faut pas exagérer non plus… En période de covid on ne pouvait pas visiter le gîte. Du coup, on avait quand même cherché activement quelque chose qui correspondait à nos valeurs, notamment qu’il y ait des accès PMR, notamment le fait qu’il puisse y avoir des producteurices locaux, notamment qu’on soit dans une région où, niveau climat, on ne fasse pas fonctionner la clim à fond, ou à l’inverse, le chauffage à fond, parce que bon, on les a vu les colos informatiques à Toulouse. C’est toujours écologiquement très aberrant. Et on avait ce gîte qui vraiment nous avait plu, qui avait l’air de matcher, mais on ne pouvait le visiter que très très tard, donc au 3ème déconfinement, quand ils ont enlevé l’histoire des 100km. Et du coup on s’est retrouvé sur place, c’était en juin. Et… Coup de cœur ! C’était un espace vert intime à l’intérieur du gîte, qui justement permettait de créer un petit cocon, mais à l’inverse une forêt derrière qui permet de faire plein de choses. Parce qu’on parle des effets son et lumière, mais il suffit d’un jeu dans la forêt, et franchement, ça vaut tous les sons et lumières. Cet accès baignade, qui permet aux jeunes de se baigner dans l’Ain. Sur place, encore une fois les normes PMR, mais également un marquage pour les personnes malvoyantes au sol. Le fait que tout soit sur un seul plan et que du coup il n’y ait pas de difficultés à se déplacer pour une personne en fauteuil. Une facilité de créer des chambres un peu à la carte parce que majoritairement des chambres de 2, ce qui permet plus de flexibilité. Et puis une interlocutrice, il faut le dire aussi, qui a été super dans son travail avec nous. Et d’ailleurs c’est un peu l’annonce pour l’année prochaine, l’année prochaine on repart au même endroit, parce que vraiment, on pensait avoir bien choisi, mais c’était au-dessus de nos attentes.
Thibaut : On espère, partir là-bas.
P.P : Les inscriptions, maintenant passons à je pense la difficulté première. Vous avez commencé, c’était votre première saison, donc forcément comme vous le disiez : pas connus du marché. Comment vous avez pu gérer ? Comment vous avez réussi à avoir enfin les inscriptions ? Comment vous vous êtes dit : Là ok, on passe le cap. Qu’est-ce qui fait, qu’à un moment vous vous êtes dit : Bon, là c’est officiel on peut lancer notre séjour ? Et derrière, comment se sont gérés les relations aux familles ?
Mélina : Juste, je veux nuancer là, c’est pas les relations aux familles forcément puisqu’il peut y avoir sur les séjour des jeunes qui sont inscrits par des foyers, par des proches, et/ou par des responsables légaux donc j’essaie de me forcer à ne pas dire famille, pour ne pas exclure ces personnes là.
P.P : Tu as bien raison.
Mélina : Donc du coup, nous, je vais pas le cacher, ça a été un peu le stress. C’est-à-dire que on pensait partir sur un pôle de jeunes qu’on connaissait déjà, par rapport à nos précédentes expériences, mais qui au final s’étaient organisés des vacances entre elleux, et ils ont bien raison. Parce qu’ils ont tout à fait raison de vouloir s’éclater et d’avoir réussi à créer leur safe space à elleux, et de ne plus avoir besoin de nous. Moi je trouve ça extrêmement valorisant qu’ils aient pris cette liberté, c’est-à-dire qu’ils sont libre et sans nous. Mais du coup, on n’était pas sûr d’avoir, entre guillemets, un pool de personnes qui nous connaissaient déjà d’avant. Et donc on a majoritairement investi sur les réseaux sociaux, investi du temps, pas de l’argent. Parce que bon, vu le prix d’une campagne Facebook, on n’a pas investi financièrement sur les réseaux sociaux. C’est notamment Muzett, qui écoutera sûrement ce podcast, qui a énormément travaillé pour avoir un Instagram qui est très très joli, et qui a été beaucoup repartagé par des personnes qui ont un peu plus de visibilité que nous. C’est le principal moyen de nous faire connaître, c’est les gens qui repartagent notre Instagram, donc n’hésitez pas, si jamais vous nous soutenez, à le faire. Et qui du coup, ont réussi à toucher des personnes qui pouvaient être intéressées par notre démarche. Il y a eu également l’interview que j’ai réalisé ici même à parlons péda, qui a générée une inscription au moins, puisque il y a une maman qui nous a dit qu’elle nous avait connus par cette interview là. Mais du coup, oui c’était globalement par les réseaux sociaux, même si on a été obligés d’investir dans Google avec tout la tristesse que ça nous procure, pour avoir un référencement, parce que malheureusement Google, si on ne fait pas un système qui s’appelle le SO, on n’est pas référencé, donc on a investi, très peu à l’échelle des autres organismes de colos, mais il a fallu passer quelques euros pour être référencés dans Google, parce que si on tape Toustes en Colo dans Google on ne nous trouve pas, et bien c’est pas très pratique pour avoir des inscriptions. Du coup on s’est retrouvé à début juin, on avait que 3 inscrits, on était un peu en panique. Et on s’est dit : on tente quand même et on annule si on est à moins de 5. Et en fait en une semaine on a eu 5 inscriptions, c’était la semaine où ils ont annoncé le déconfinement. Voilà. C’était un moment ou on a soufflé pour la première fois depuis 2 mois un petit peu. Et de là c’est resté assez régulier jusqu’à dans les 10 inscrits. On a failli avoir une onzième inscription, mais ça n’a pas été fait pour plein de raisons. Mais c’est vraiment très très sur le tard, qu’on a eu le bon nombre d’inscrits et d’inscrites qui nous ont permis de partir. Et c’est vrai que nous, à moins de 5, en trouvait ça quand même difficile, on aurait été non seulement à perte mais en termes de qualité de séjour ça aurait pu en être impacté. À 7, on était en perte financière, mais on aurait pu au moins un produire un bon séjour. À 10 on avait la possibilité de quasi rentrer dans nos frais en proposant un séjour qui ressemblait à quelque chose à ces jeunes. Et du coup on est très contents et contentes d’avoir pu avoir ces 10 jeunes, qui du coup ont été majoritairement recrutés via Instagram, pour avoir lu les petits questionnaires de : comment vous nous avez connu. C’était majoritairement Instagram.
P.P : Alors du coup comment vous avez géreé la relation aux responsables ?
Mélina : Alors les relations aux responsables, très bien, presque trop bien. On n’avait pas les moyens d’avoir une ligne téléphonique, du coup c’est mon téléphone qui traînait un peu partout. J’ai eu beaucoup d’appels sur mon téléphone perso un peu tout le temps, mais bon. Ça fait partie du jeu, et ça fait parti aussi de ce qu’on voudrait faire un peu dans l’avenir, c’est d’investir dans un téléphone Toustes en Colo pour qu’on ne soit plus uniquement sur mon téléphone. Je me suis aperçue qu’un parent inscrivait rarement un enfant sans avoir quelqu’un au téléphone, ça c’est quelque chose que je n’avais pas vu venir, et du coup j’ai dû passer énormément de temps à répondre aux questions des parents en amont des séjours. Ce qui n’était pas vraiment le cas sur d’autres responsables légaux, qui à l’inverse ne nous ont pas du tout contactés, et on a fait des inscriptions parfois par courrier sans qu’il y ait de contact quelconque. Donc on avait vraiment à la fois le parent qui voulait à tout prix nous avoir au téléphone, et le responsable qui à l’inverse nous envoyait juste un chèque pour valider l’inscription, donc ça a été, entre guillemets, aux antipodes. Après je sais qu’il y a certains parents qui nous demandaient d’avoir un petit peu des nouvelles pendant le séjour, du coup on a pu le mettre en place. On avait aussi un blog pour elleux, pour un petit peu avoir des photos si jamais les parents donnaient le droit à l’image. Non, globalement ça s’est plutôt bien passé, ça s’est reflété d’ailleurs dans les questionnaires de satisfaction des parents qui sont globalement très satisfaits de la capacité à pouvoir discuter avec nous. Juste, on n’avait pas anticipé à quel point beaucoup voudraient nous parler avant le séjour, et je pense que c’est à considérer à l’avenir sur le temps qu’on met sur la préparation d’un séjour, c’est le temps aussi pour discuter avec les parents et les rassurer. Parce qu’on est petit, parce qu’on ne nous connaît pas, et que du coup on a du mal à cliquer sur inscrire sans nous connaître.
P.P : Ce qui est compréhensible je pense.
Mélina : Complètement ! C’est juste que ça prend du temps, 1h par parent ou par responsable du coup, ça peut être chronophage.
P.P : On passe à la fin. Alors, tu n’avais pas fait ça, mais j’ai rajouté une petite question aux questions typiques. La première c’est sur la fois où… Je vous propose de nous raconter une petite anecdote qui vous est arrivée. Alors, peut-être de ce séjour là, mais par rapport à la discussion qu’on a eu, peut-être que ça vous a fait rappeler une petite anecdote. Donc une petite anecdote qui vous est arrivée et qu’est-ce que vous en avez appris de cette anecdote.
Thibaut : De par la complexité, et les questions budgétaires qui se sont traitées sur le tard. On n’a pas eu de cuisinier à proprement parler, on n’a pas eu une personne qui a eu le statut et un CDD de cuisinier. Donc c’était Mélina et principalement moi-même à la cuisine pendant les 2 semaines. J’avais jamais fait ça de ma vie, et ça s’est très bien passé, et ça a été des retours impeccables, donc j’étais très content. On m’a dit que c’était très gras, c’était le principal bémol, mais sinon ça s’est très bien passé.
P.P : Qu’est-ce que tu as appris de faire la cuisine pour un groupe ?
Thibaut : En fait, avoir une personne qui comprend les enjeux de pédagogie en cuisine, on peut avoir l’impression que ça sert un peu à rien, mais en fait ça permet de gagner en flexibilité, donc quand les jeunes disent : “On va manger une demi-heure plus tard, on va manger une demi-heure plus tôt”. Cette flexibilité là est extrêmement agréable dans le travail, d’un point de vue aussi directeur en fait, de gagner en flexibilité à cet endroit-là. De pas avoir de tensions. Et d’avoir aussi une cuisine qui du coup, comprend les enjeux sur les différents régimes. Parce que dans les organismes traditionnels, c’est très récurrent d’avoir des cuisiniers et des cuisinières qui, comment dire… qui ne sont pas intéressés par les questions de végétarisme, de veganisme, régimes halal ou que sais-je. Et c’est très souvent un point de friction en fait.
Mélina : Il y a Libération qui est venu faire un reportage pendant le séjour, et moi j’avais un petit peu peur d’avoir des journalistes qui débarquent sur un séjour en safe space. Et au final j’ai passé quasiment une journée à rire, de à quel point nos jeunes… Je pense que les journalistes ont davantage vécu nos jeunes, que ce que nos jeunes ont vécu les journalistes. Dans le sens où ils sont allés sur plein de débats, ils sont allés les challenger sur plein de sujets politiques… Et j’ai ce moment où une jeune a parlé justement de l’adolescence d’une des journalistes en disant : “Et toi comment ça s’est passé ton adolescence, ah ça a dû être dur” et qui la caressait dans le dos. Et ça m’a fait énormément sourire sur le coup, mais ça montrait quelque chose, c’est qu’en fait on avait réussi à dépasser ce rapport de domination d’âge, et de domination de : sous prétexte que je suis l’adulte, je suis distancié de toi, puisque ces jeunes allaient vers des adultes, qui du coup venaient d’arriver, avec un rapport de : on a des vécus qui peuvent être connexes et de : tu es une personnes, je suis une personne et on est deux personnes qui échangent. J’avais trouvé ça à la fois très drôle, parce que la scène était un peu surréaliste de voir nos jeunes qui presque psychanalysaient des journalistes. Mais d’un autre côté aussi très motivante, dans le sens où, c’est des jeunes qui auront peut-être cette démarche de discussion, et d’aller vers les autres et d’empathie, sans avoir peur de ces rapports de domination avec l’adulte dans leur vie de tous les jours derrière.
P.P : Est-ce que vous avez un livre à partager ?
Mélina : Oui bon ok je ne vais pas faire très originale, mais : surveiller et punir de Foucault.
P.P : Alors, pourquoi surveiller et punir de Foucault ?
Mélina : Parce que sur les comportements, et la façon de… Il y a quand même une partie de ce livre qui parle de l’école et de l’éducation. Et de la façon dont on essaie de créer au final une éducation qui est par la surveillance et par le contrôle, et non par la liberté et par l’épanouissement. Qui je pense est intéressant notamment quand on réfléchit au concept de surveillance, d’autorité, de contrôle. Il dénonce pas mal de choses qu’en fait on met presque en place par automatisme, dans ce livre-là. Bon après j’avoue ce n’est pas forcément le livre le plus simple à lire en brut de décoffrage à quelqu’un qui veut découvrir de la pédagogie. Du coup il y a peut-être une alternative beaucoup plus simple je dirais, un petit livre qui est sorti l’année dernière, qui s’appelle : les pédagogiques critiques . Ah, je l’ai sous la main, donc je vais pouvoir vous dire exactement les éditions, il est aux éditions Agone, c’est Laurence De Cock et Irène Pereira qui font un travail très intéressant parce qu’elles bossent notamment pour l’institut Paulo Freire Français, un de mes pédagogues préférés. Et dans ce livre : les pédagogiques critiques, elles font un petit peu un tour d’horizon des pédagogies alternatives, donc les pédagogies critiques c’est un petit peu les pédagogies qui sont issues de l’héritage de Paulo Freire, mais de façon très accessibles avec justement du très concret. Qu’est-ce que c’est une pédagogie critique ? Quels sont les mouvements aujourd’hui modernes des pédagogies critiques ? Comment ça se manifeste dans un, entre guillemets, un tous les jours ? Et du coup c’est vrai que pour quelqu’un qui veut juste se poser la question de la pédagogie, et sortir un peu du prisme de : c’est uniquement transmettre un savoir. Ce petit livre qui fait 130 pages, c’est vraiment une première approche pour remettre en question les systèmes pédagogiques actuels et les modèles qu’on reproduit sans vraiment les questionner.
Thibaut : Pour revenir sur Foucault, là où il est hyper intéressant dans surveiller et punir, c’est qu’il parle beaucoup justement de ce qu’on disait plus tôt, à savoir de l’espace et du temps, et il parle beaucoup de l’institution totale, à savoir un calendrier, un planning, des heures où les gens sont à tel endroit. Et du coup pour essayer de s’en extraire, en fait c’est hyper important à mes yeux Foucault.
P.P : Où est-ce qu’on peut vous retrouver, si on veut encore parler avec vous ?
Mélina : Du coup c’est globalement sur les réseaux sociaux de l’association, qui sont tenus par Muzett dont j’ai déjà parlée, donc le Instagram et le Facebook. Également sur notre site internet, avec la rubrique contact si vous souhaitez nous envoyer des mails. Vous pouvez nous contacter par mail ou par message privé sur Instagram et sur Facebook.
P.P : Merci beaucoup Mélina et Thibault.
Thibaut : Merci.
Mélina : Merci beaucoup.
P.P : Merci d’avoir écouté ce podcast, tu peux retrouver Mélina sur Toustesencolo.fr. Bien sûr, il y a toutes les infos de ce qui a été dit dans l’article qui est publié sur Parlonspeda.fr. Si tu as aimé cette épisode, bien évidemment tu peux mettre un avis 5 étoiles sur Apple Podcast, qui n’est plus Itunes podcast. Tu peux bien évidemment t’abonner en mettant ton email dans la newsletter sur Parlonspeda.fr. Sur ce, à la semaine prochaine !
Cette interview vous a donné envie de partir avec nous ? Rendez-vous cet été pour le 3eme été de nos Mondes Imaginaires :