La charge mentale est un concept féministe qui décrit le quotidien de nombreuses personnes. Mais avez-vous déjà pensé à son poids dans le contexte des colonies de vacances ? Accrochez-vous, on part explorer ensemble les coulisses méconnues de la vie collective.
La charge mentale ménagère : un concept féministe
La charge mentale est un concept sociologique. Il décrit le poids qui pèse sur les adultes, surtout les femmes et les personnes racisées, dans la gestion quotidienne du foyer.
La charge mentale représente le poids invisible des responsabilités et des préoccupations qui pèsent sur l’esprit des personnes en charge de la gestion du foyer. Bien au-delà des simples tâches à accomplir, elle englobe la planification, l’organisation et la gestion de divers aspects de la vie, souvent associée à un stress constant et épuisant. Cette charge, souvent portée de manière disproportionnée par les femmes, soulève des questions importantes sur l’équilibre des genres.
Reconnaître et comprendre la charge mentale est essentiel dans une perspective féministe.
Mais pourquoi en parler en colo ? Parce que derrière l’amusement et les activités se cache une réalité invisible, épuisante, et pourtant essentielle.
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La Colo, un foyer partagé
Partir en colo, c’est s’immerger dans une vie collective, un foyer partagé.
Les tâches ménagères, le nettoyage, la cuisine continuent d’exister. A celles-ci viennent s’ajouter les différentes normes et règlementations qui pèsent sur ces tâches dans les accueils : relevé des températures, garantie des normes d’hygiène, respect de la chaîne du froid, etc.
Faire des courses est déjà un poids, et en colo, il faut ajouter « penser à la glaciaire pour garantir la chaîne du froid ».
Toutes ces tâches sont nécessaires pour la vie du groupe. Mais qui porte réellement cette charge – organisationnelle et de travail – invisible au sein des colonies de vacances ?
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Le travail invisible des agents techniques
Bien souvent, ces tâches sont à la responsabilité des agents techniques. Bien qu’ayant peu de pouvoir décisionnels, ces personnes ont à la charge l’organisation de la gestion de ce foyer ainsi que toutes les tâches ménagères qui en découlent : lessives, nettoyages, sols, remplacer le papier toilette, organiser l’intendance, etc.
Ces personnes sont souvent ignorées alors qu’elles assument une part considérable de la charge ménagère de la colo. Du nettoyage au respect des normes sanitaires, elles sont les véritables artisans d’un bon séjour. Mais sont-elles réellement reconnus à leur juste valeur ?
Colo féministe : l'impasse de l'invisibilisation
Avec ce fonctionnement, le travail lié à la gestion d’un foyer est masqué. Il est délégué au personnel. Les jeunes et les animateurs ne perçoivent souvent que l’aspect visible, ignorant l’ensemble des coulisses qui font fonctionner ce foyer collectif. Pourtant, est-ce plus important d’avoir de super costumes lors d’un jeu, ou des toilettes propres ?
Cette invisibilisation ne permet pas aux jeunes ni aux anims de prendre conscience de la nécessité de tous ces petits gestes, ni de les apprendre. Si, par ailleurs, ces gestes sont aussi invisibilisés dans leurs familles – comme le dénoncent notamment le féminisme – comment peut-il y avoir de prise de conscience ?
Si l’on souhaite qu’en grandissant, les jeunes s’emparent des questions de la charge mentale et construisent une société plus juste, ne doit-on pas commencer par leur montrer que cette charge existe ?
Quelle est l’autonomie d’un jeune qui n’aurait jamais appris comment faire une lessive ?
La fausse bonne solution de la visibilisation
Ces travailleureuses dans l’ombre, souvent des femmes et des personnes racisées, subissent une double peine : un salaire souvent bas* et une invisibilité persistante.
Comment peut-on sensibiliser les jeunes à la charge mentale s’ils ne voient pas les coulisses ?
Peut-on prétendre à une réelle inclusion avec une organisation qui précarise d’autres minorités ?
De la même façon qu’une partie du féminisme a cru répondre à la question de la charge mentale par le recours à des travailleureuses domestiques, on pourrait penser qu’il suffit de visibiliser ces personnes pour que les jeunes soient sensibilisés à ces enjeux et que les injustices soient réparées.
C’est faire-fi de toute une partie des luttes sociales actuelles autour de ces travaux. L’embauche de ce personnel soulève un problème éthique majeur : les contrats restent précaires (CDD), les travailleureusesissu.es de groupes minorisées. Cela ne peut se faire dans une perspective de justice sociale.
Un autre aspect est celui de l’usure des corps exposés à ces taches répétitiques et souvent exigeantes physiquement, qui entraine divers problèmes de santé : Douleurs Musculaires et Articulaires, Troubles Musculo-Squelettiques (TMS), Problèmes Respiratoires, Fatigue Générale, Stress et Épuisement, Impact sur la posture…Là où faire ces tâches sur un temps quotidien restreint peut être certes répétitif et ennuyeux mais reste globalement sans risque, le fait de les faire de façon répétitive a des conséquences graves sur le corps des personnes qui prennent ce travail à charge et nuit à leur santé.
*9,88euro brut/heure chez de gros organismes, soit moins que le SMIC, et sans garantie d’être aux 35h
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Pour des colos féministes, réinventons l'inclusion
Face à ces questions, il est temps de repenser l’inclusion. L’authenticité de l’inclusion se mesure à la reconnaissance de tous les acteurs, visibles ou invisibles, dans la construction d’une expérience collective. On ne peut donc réfléchir une pédagogie critique des discriminations, une pédagogie inclusive ou une pédagogie du care sans repenser la répartition de la charge mentale et des tâches ménagères dans nos lieux d’accueil.