Permettre l’expression des jeunes en colo

Main ado ouvrant une boite en bois

Pourquoi la parole des jeunes est importante ?

Nous avons besoin de savoir ce que pense et ressent chaque jeune au fil du séjour, et cela, afin de pouvoir modifier le fonctionnement d’une colo sans en attendre la fin quand les choses ne vont pas, de savoir quelles sont les choses dont le groupe a envie, mais aussi d’être au courant d’éventuels mal-être ou conflit s’il y en a dans un groupe et de pouvoir réagir.

On ne peut pas être médiateurice d’une situation dont on n’est pas informé·e.

Pourquoi ce n'est pas si simple ?

Enfant vient du latin infans, littéralement “qui ne parle pas”. L’enfant, c’est celui qui ne parle pas, et nos habitudes (familiales, scolaires, etc…) ont parfois, voire souvent, tendance à aller dans ces sens : c’est l’adulte qui donne la parole à l’enfant, sans quoi, on ne l’autorise pas à s’exprimer.

Trouver des temps et des espaces de dialogue entre adultes et jeunes est une démarche active qui demande de réfléchir et de s’organiser. Sans cela, les jeunes ont tendance à taire leurs ressentis et leurs émotions.

L'assemblée d'enfants

Dans beaucoup de colos, la parole est donnée aux jeunes via un fonctionnement d’assemblée. Ce n’est, malheureusement, pas encore une pratique systématique alors qu’il s’agir sûrement d’un des premiers outils à mettre en place pour pouvoir discuter avec un groupe. Elle peut prendre la forme d’une assemblée en grand groupe, d’une assemblée de chambrée, d’un goûter-comité en sous-groupes choisis par les jeunes, de temps informels, voire même toutes ces idées additionnées. Elle peut être quotidienne ou hebdomadaire et prendre de nombreux formats.

Toutefois, décider uniquement d’organiser une assemblée ne suffit pas.

Prendre la parole en grand groupe n’est pas facile pour tout le monde, et distribuer la parole à qui la demande peut invisibiliser les personnes qui ne sont pas à l’aise pour s’exprimer à l’oral. 

Par ailleurs, certaines personnes n’arrivent pas à s’exprimer pleinement de façon verbale. Il faut alors trouver une autre façon de prendre leur voix en compte.

Un dialogue dissymétrique

Ensuite, le groupe formé par les jeunes n’est pas exempt d’oppressions et de rapports de domination internes, qui vont entraver la prise de parole.

On peut penser en premier lieu à la situation de l’ado qui subit un harcèlement, qui aura bien du mal à se confier si les seuls moments consacrés à la parole se font en groupe, mais aussi à des choses plus invisibles et plus difficiles à déceler : plusieurs études réalisées dans le milieu scolaire* concluent que les garçons occupent plus de la moitié du temps de parole disponible.

Par ailleurs un·e éducateurice acceptera assez facilement qu’un garçon interrompe une fille, mais moins facilement la situation inverse**.

Ces difficultés d’additionnent pour l’adolescent·e non blanc·he, transgenre, en situation de handicap, etc.

Notons qu’il n’y a pas là de malignité à vouloir donner la parole à certain·es plutôt qu’à d’autres : il s’agit là d’un inconscient collectif.

*Voir par exemple les travaux de Gaël Pasquier
**Voir les travaux de Claude Zaidman et de Joëlle Magar-Braeuner. bell hooks fait un constat semblable autour de la race dans Apprendre à transgresser.

Il est donc important de garder cela en tête lorsque l’on donne la parole à un groupe.

Le piège ici est de prendre une décision en groupe en pensant avoir mis en place une démarche de co-construction alors qu’en fait, seule une partie des jeunes – la plus visible – a pris cette décision.

Supports d'information

Certain·es membres d’un groupe peuvent rencontrer des difficultés à capter des informations, du fait d’un handicap ou d’un état émotionnel. Ces personnes se retrouvent alors avec un niveau d’information inférieur à celui du reste du groupe, pouvant les mettre en porte-à-faux lorsque, par exemple, une consigne n’est pas suivie faute de compréhension.


Pour s’assurer que les informations passées lors de ces moments ont bien été reçues par l’ensemble du groupe, on peut par exemple multiplier les supports (voix orale + affichage illustré + écrit, etc).

Que faire ?

Multiplier les outils

Il nous paraît tout d’abord primordial de multiplier les moyens et méthodes de prises de parole des jeunes : une assemblée en grand groupe, oui, mais également un comité en sous-groupe, et un conseil de chambre, et un temps individuel, et des temps informels, et un mur d’expression, et une boîte à idée, et une boîte à mots, et un questionnaire en mi-séjour, et une ouverture des réunions d’animation au groupe, etc…

Il n’y a jamais trop d’outils pour donner aux jeunes l’opportunité de s’exprimer.

(Co) Organiser les assemblées

Pour les différents types d’assemblée, il nous semble indispensable de varier les formats de celles-ci avec des méthodes, jeux et outils d’expression variés. 

Dessins, couleurs, mots, placement dans l’espacte, créativité, parole libre : nous avons des dizaines de petits outils qui, nous l’espérons, permet à chaque jeune de trouver une forme d’expression qui lui convient au moins une fois tous les 2-3 jours.

Cette démarche peut être faite de façon transparente avec les jeunes, qui peuvent participer à l’organisation de ces assemblées et co-construire les outils d’expression avec l’équipe d’animation.

Utiliser les bons outils pour prendre les décisions

Pour la prise de décision, des méthodes de votes alternatives permettent de s’assurer que la décision convient à tout le monde : on peut, par exemple, utiliser le vote par consentement majoritaire plutôt que le vote à la majorité.

Enfin, il est important de retranscrire les décisions prises sur des supports écrits et dessinés, qu’un·e jeune qui n’aurait pas compris ait la possibilité de prendre l’information et de réagir à celle-ci.

Pour des outils efficients

Dans l‘épisode du podcast Parlons Péda où est intervenue Mélina, la présidente de Toustes En Colo, Hugo lui a demandé si certains outils fonctionnaient mieux que d’autres. Par exemple, la boîte à idées semble souvent peu utilisée.

En réalité, la boîte à idées comme l’assemblée ne fonctionnent pas si on ne fait pas de retour aux jeunes sur ce qui est pris en compte. Il faut montrer que ces outils leur donne le pouvoir de coconstruire le séjour et que leur parole est prise en compte.

On constate que certains outils ramènent plus de contenu que d’autres : l’évaluation anonyme de mi-séjour et les assemblée sont parmi les plus efficients.

Certains outils vont être plus sollicités par le groupe que d’autres. Toutefois les outils moins utilisés par les jeunes sont utiles s’ils permettent à ne serai-ce qu’un·e jeune de s’exprimer. Ce·tte jeune là a le droit d’avoir une voix au même titre que les 40 autres jeunes qui s’expriment via les autres outils.

Questionner ses pratiques

Enfin, si il n’y avait qu’une seule chose à retenir sur ce sujet, c’est qu’il n’existe pas de manière infaillible de prendre en compte la parole de chacun·e e de toustes.

Mettre en place des outils et des temps dédié est une démarche active, et nous devons régulièrement re-questionner nos outils et nos habitudes pour les améliorer, en coconstruire de nouveaux avec le public accueilli et nous assurer que personne n’est laissé à la marge.

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