Gros en colo – La grossophobie en ACM

Plusieurs jeunes - dont certains ados gros en colo profitent d'une baignade au lac

Gros en colo : quid de la grossophobie en ACM ? Il existe plusieurs ressources pour faciliter l’accueil des personnes grosses en milieu scolaire, mais assez peu se posant la question de leur accueil dans les lieux de loisirs. Or, Toustes en Colo milite pour que chacun·e ait le droit de profiter de ses vacances. Cet article est l’occasion de réfléchir à la grossophobie dans les accueils collectifs de mineur·es et de comment lutter contre celle-ci.

Une brochure en téléchargement libre est disponible sur ce sujet. N’hésitez pas à l’imprimer et à la mettre à disposition dans vos accueils.

Grossophobie : Le contexte

Quelques chiffres sur les gros·ses

4 % des mineur·es âgé·es de 6 à 17 ans sont concerné·es, et ce chiffre tend à augmenter. Globalement, cela veut dire qu’un·e enfant ou ado sur 20 est gros·se : chaque animateur·ice devrait être capable de constater cette prévalence dans les groupes qu’iel a à charge. 

 

Gros en Colo : L'absence de jeunes gros·ses dans les accueils

Pourtant, la réalité du terrain – encore plus en colo qu’en centre de loisirs – ne reflète pas toujours ces chiffres.

Cela peut vouloir dire plusieurs choses : 

Tout d’abord, on constate une prévalence des gros·ses dans les classes pauvres et populaires. Un coût de séjour / de journée élevé tend à réduire le nombre de personnes grosses qui auront accès aux accueils collectifs de mineur·es

Ensuite, les enfants et ados gros·ses sont plus facilement victimes d’harcèlement. D’après l’OMS, 63% des enfants et ados gros·ses risquent d’être victimes de harcèlement. D’après la même étude, 75 % des moins de 10 ans associent déjà le fait d’être gros à quelque chose de négatif. Gabrielle Deydier explique que cette prévalence amène l’ado gros à se sentir « toujours en trop » « souvent en proie à une lutte pour sa survie ». Un·e ado gros·se peut aller éviter ces lieux de loisirs par peur de l’exposition aux pairs

Les enfants et ados gros·ses subissent de nombreuses discriminations directes de la part des adultes. 62% des français pensent que « l’obésité est avant tout due à une mauvaise alimentation et à un manque d’activité phyisique ». Or, celle-ci est multifactorielle : des éléments psychologiques, environnementaux, métaboliques et génétiques entrent sen compte. D’ailleurs, 81% des adultes français pensent que « la pollution n’est pas une cause d’obésité » alors que le contraire est démontré. (Sondage Odoxa « Regard des français sur l’Obésité » commandé par La Ligue contre l’Obésité – Mars 2020). L’adulte – lui-même touché par ces préjugés, va parfois se sentir légitime de réguler d’autant les quantités alimentaires qu’il considère un corps comme en « surpoids ». Ainsi, l’âge moyen du premier régime – dont les conséquences sur la santé ont été démontrées comme négatives, est de 8 ans. Il est par ailleurs courant de voir des adultes intervenir pour réguler l’alimentation d’un·e jeune qu’iels jugent gros·ses.

Enfin, les accueils ne sont pas toujours adaptés à l’accueils des personnes grosses : programme des activités, mobilier, aménagements : les discriminations peuvent être systémiques et ne pas permettre l’inscription des jeunes concerné·es dans les accueils.

La grossophobie dans la société

La vidéo ci-dessous propose un bref aperçu des enjeux de la grossophie à l’échelle de la société :

Les conséquences de la grossophobie

Mis·es de côté dans les groupes, discriminé·es par les adultes, les enfants gros sont plus facilement exposé·es aux troubles anxieux et dépressifs, à l’isolement social et au décrochage scolaire. En conséquence, les adolescent·es gros·ses percevront un salaire de 18 % moins élevé lorsqu’ils entreront sur le marché de l’emploi, en comparaison aux autres (Petter Lundborg , Paul Nystedt, Dan-Olof Rooth – 2014)

Gros en Colo : Mieux accueillir les personnes grosses en colo

Face à ces constats, nous vous proposons ci-dessous quelques pistes – bien sur non exhaustives – pour questionner les accueils auxquels vous participer et construire des lieux plus safe pour les personnes grosses. Ces conseils sont valables en colo, mais peuvent par ailleurs être étendus aux centres de loisirs, classes vertes et même à l’éducation nationale.

Gros en colo : Etre attentif·ve à nos comportements

Il est important, en premier lieu, d’avoir un regard critique sur nos propres comportements : s’assurer de ne pas participer soi-même à la reproduction des comportements discriminants.  Un·e anim ne doit pas faire de remarque sur le poids des élèves, ni sur celui de ses collègues.

Une attention sur notre propre vocabulaire, nos formulations, nos expressions, et notre humour doit être portée à chaque instant. Il est pour cela possible de mettre en place des systèmes d’entre observations ou d’entre correction pour déconstruire ses propres comportements discriminants.

Une observation extérieure permet également de s’assurer que nous ne participons pas à un système d’attentes et/ou de sanction dissymétrique : que nous réagissons de la même façon à un comportement et accordons la même parole à toustes, peu importe leur poids. Les stéréotypes culturels étant omniprésents, nous avons forcément intégré certains biais et l’aide des pairs permet la conscientisation et le changement.

Gros en colo : Etre attentif·ves à ce qu'il se passe dans les groupes

Les personnes grosses étant plus exposées que les autres au harcèlement, il est important d’être vigilant·es quant aux signaux ou indices qui pourraient aller en ce sens. Evitement des temps de groupe ou des activités, tendance à manger seul·e, réveils nocturnes ou insomnies, maux de tête, maux de ventre, asthénie, anxiété… sont d’autant de symptômes qui méritent investigation.

Il est aussi important d’être à l’écoute de leurs éventuelles inquiétudes, besoins ou souffrances. C’est pourquoi il est indispensable d’organiser des temps individuels et collectifs pour discuter le vivre ensemble et écouter la parole de chacun·e et de toustes.

Les équipes – à conditions d’être suffisamment formées à ces sujets, ou en se basant sur des ressources extérieures – peuvent également être motrices et mettre en place des temps de sensibilisation aux différentes formes de discriminations grossophobes et à la lutte contre celles-ci.

Gros en colo : Réfléchir les représentations des gros·ses

Quel·les jeunes voit-on, sur les catalogue de vacances ? Quel·les ados photographie-t-on pour les blogs, les réseaux sociaux, les communications ? Lutter contre la grossophobie, c’est donner la même visibilité à tous les corps – qu’ils correspondent, ou non, aux stéréotypes biaisés de la société. 

Cela vaut aussi pour les personnages et les imaginaires invoquées dans les activités : de nombreuses études ont pu démontrer l’importance des représentation dans la lutte contre les discriminations (On peut notamment citer les articles du Geena Davis Insitute en 2016). Les lieux de loisirs permettent de créer des espaces d’imaginaire – à quoi bon si ceux-ci sont discriminants ?

Enfin, nos équipes peuvent être elles-aussi inclusives : la prévalence de l' »obésité » chez les adultes est de 17%. Il serait donc étrange de voir des équipes exclusivement formées de personnes de poids « moyen ». 

L'anim' n'a pas à intervenir sur la santé d'un·e jeune

L’accueil de loisir n’est pas un lieu de régime – et les équipes pédagogiques ne sont en aucun cas qualifiées pour prodiguer des conseils médicaux ou nutritionnels. Stigmatiser un·e jeune sur la quantité ou la qualité de son alimentation est une discrimination active qu’il faut bannir de nos habitudes. De même, il n’est pas le rôle d’un·e anim de prescrire une quantité d’activité sportive ou des dépenses énergétiques.

L’équipe peut, si une prescription médicale est fournie, suivre un traitement qui peut être lié aux temps de repas (prise de médicament au moment des repas, allergènes, aliments interdits, etc) mais son action doit se limiter à l’application de la prescription médicale.

Gros en colo : Penser les activités sportives et de baignade

Les espaces sportifs sont les lieux les plus propices aux discriminations et au harcèlement. Faire de ces activités des options facultatives reste bien souvent la meilleure solution pour garantir la sécurité affective et morale des jeunes gros·ses. 

Si cellui-ci veut participer à une activité sortive et/ou de biagnade, une réflexion sur l’intimité pour se changer est importante : proposer des espaces individuels, laisser choisir la tenue dans laquelle faire du sport ou se baigner, accepter que l’on utilise une serviette pour limiter l’exposition de son corps… Ces recommandations sont par ailleurs valables pour toustes les jeunes : il n’y a pas que les personnes grosses qui ne sont pas à l’aise avec leur corp.

Enfin, nous ne faisons pas de la compétition sportive, avoir des équipes « équilibrées » n’est pas un enjeu : bannir les équipes imposés ou les systèmes de « chef·fes d’équipes qui choisissent » évitent des situations violentes pour beaucoup de jeunes.

Gros en colo : Réfléchir à du matériel adapté aux personnes grosses en colo

Des costumes de tailles moyenne dans les malles d’animation, des chasubles « taille unique », une quantité de tissus de couture pré-découpée par personne… Toutes ces décisions participent à la discrimination des personnes grosses. 

Pour éviter ces situations, mieux vaut :

  • Préférer les capes et les manteaux très larges, qui, au delà d’être versatiles, fonctionnent avec une majorité de physiques
  • Miser sur les accessoires : chapeaux, pistolet, bouclier, maquillage, masques
  • Remplacer les chasubles par du maquillages, des bandanas, des foulards ou des bracelets

Un casque de Dark Vador, une cape noir et une tenue personnelle noire auront un effet suffisant, et éviteront à un·e jeune de devoir choisir son personnage en fonction des vêtements à sa taille.

Il faut par ailleurs être vigilant·es aux blouses, uniformes et autres vêtements obligatoires – par exemple, si vous mettez en place une cuisine pédagogique, il est important de s’assurer d’avoir toutes les tailles de veste de cuisinier et de gants pour que chaque jeune puisse participer si iel le souhaite. Il ne faut en aucun cas rendre obligatoire le port d’un vêtement qui serait de taille unique.

Gros en colo : Bannir les PJC pour protéger les jeunes

Nous avons proposé, sur notre compte Instagram, un post dédié aux PJC (Petits Jeux Cons) :

Il est impensable de voir encore des « Rallye Choco » organisés dans les accueils. La lutte contre les discriminations passe par une tolérance zéro vis à vis des jeux de dupes et autres jeux moqueries.

Gros en colo : Adapter le mobilier aux enfants et ados gros·ses en colo

Un mobilier inadapté peut blesser les corps : il est indispensable d’éviter à tous prix les sièges avec accoudoir et les tablettes accrochées aux sièges. Il est aussi important de s’assurer qu’il y a des banquettes (et pas uniquement des fauteuils) et que le mobilier à tous les poids (par exemple, prévoir par défaut des hamacs « 2 adultes » et non des hamacs qui cèdent à partir d’un certain poids). A l’extérieur, il est important d’avoir des bancs ou des assises informelles en plus des habituelles chaises en plastique qui ne conviennent pas toujours à toutes les morphologies.

Les lits pliants sont à éviter, et des alternatives doivent être disponibles aux lits superposés. Si des transports sont prévus, il faut se renseigner en amont pour s’assurer que celui-ci est adapté à toustes. 

 

Gros en colo : Penser l'organisation des espaces

Une fois les meubles et le matériel choisi, il faut s’assurer que les espaces permettent le déplacement de toustes : l’encombrement, des chaises qui trainent au milieu, des rangées trop serrées sont autant d’obstacles à une déambulation facile des personnes sur place. 

Gros en colo - Conclusion

Il reste du chemin à parcourir pour lutter contre la grossophobie. En tant qu’acteurices de l’éducation populaire, nous avons notre rôle à jouer pour lutter contre les discriminations. Remettre en question nos pratiques et réfléchir d’autres façons de faire sont des premières étapes indispensables.

Toustes les jeunes devraient avoir le droit à des vacances. Il n’est pas normal de laisser à la marge 4% des jeunes du fait de leur physique.

Sources pour cet article

Le post ci-dessous résume cet article dans un format facilement partageable. A vous de jouer !

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